Le Néma devient le premier parti de la commune

Après avoir remporté haut-la-main les élections municipales de 2014, le Néma récidive et rafle la mise des élections départementales de ce mois de mars 2015.

Au départ, ils étaient trois binômes à se jeter dans la bataille pour les deux sièges de « conseillers départementaux ». Le MDM, le baobab était représenté par Ibrahim SALIM (Pino) et Soyarta MOHAMED tandis que du côté du Néma, c’est Issa SOULAÏMANA (Lavie) et Fatima SOUFFOU qui défendait l’étendard du petit oiseau. Quant au troisième binôme, Ousséni INDEX et Claris RAMIANDRASON jetaient toutes leurs forces dans la bataille pour Tanafou za Dzaoudzi-Labattoir.

Meeting après meeting, tous appelaient la population à leur accorder son suffrage afin que tout se joue en un seul tour avec la fameuse phrase « tsoma moja tu ». Mais ce ne fut pas le cas, même si pendant un moment le Néma (du moins ses sympathisants) y a cru et a commencé à fêter une victoire éphémère, voyant leurs candidats passer de 51,5% à 49,9% (résultats provisoires sur Mayotte Première). Pour être déclaré vainqueur dès le premier tour, il fallait avoir 50% des suffrages exprimés et ce chiffre devait correspondre à au moins 25% du nombre des inscrits. Et pour espérer se maintenir au second, il fallait avoir récolté au moins 12,5% des inscrits.

Au sortir du premier tour, aucun binôme n’était donc déclaré vainqueur et tous pouvaient se maintenir pour le second tour avec comme résultats :

  1. Néma (49,20%)
  2. Tanafou za Dzaoudzi-Labattoir (28,29%)
  3. MDM (22,51%)

Deux hypothèses se profilaient donc : soit le troisième (MDM) se maintient et on se dirige alors vers une triangulaire qui offrirait (si on se base sur les résultats du premier) la victoire sur un plateau ou bien le MDM se retire et s’allie avec l’un de ses dissidents pour contrer cette suprématie, qui semble se tracer, du Néma.

Les tractations : entre infos et intox

Tous les yeux étaient donc braqués sur le MDM et sa décision. Le lundi matin, une première m’indiquait que la veille, après les résultats, le MDM avait décidé de se maintenir, de se battre jusqu’au bout. Ce même jour, vers midi, afin d’avoir confirmation de cette information, je décide d’appeler le vice-président du MDM Labattoir en charge de la communication en la personne de SIMBA Omar Satso. Ce dernier confie qu’aucune décision n’était prise et que des négociations et autres pourparlers étaient en cours.

Ce même lundi, en fin d’après-midi, je tombais sur Amir AHMED, candidat malheureux des cantonales de 2008, avec qui je discutais des résultats de la veille et des stratégies politiques à adopter. Pour lui, « en tant que parti, le MDM doit se maintenir et éviter la tentation de se rallier avec une individualité et qui plus est, une dissidence. Ce serait une grosse erreur de leur part ».

Mardi 24 mars soir, tout Mayotte était au courant de la décision du MDM Cellule Labattoir puisque son porte-parole Mohamadi BACAR MCOLO N’tché annonçait leur décision de se rallier à Tanafou za Dzaoudzi-Labattoir.

Pino, trahi par sa famille politique ?

Si la décision de se retirer a, sûrement, fait des heureux du côté de Tanafou za Dzaoudzi-Labattoir, il n’en est rien pour certains soutiens de Pino et du MDM qui voulaient aller au front jusqu’au bout. Cela a, aussi, beaucoup fait parler, certaines personnes jugeant cette décision comme étant « une grosse erreur signant la mort du MDM ». Et certaines voix se sont levées criant à la trahison. Et comment ne pas se laisser prendre dans cette hypothèse quand on nous avance des arguments vérifiés, vérifiables et qui tiennent la route ?

En effet, pendant toute la période des porte-à-porte, seule une poignée de soutien (Pino, Faystos, Gilla, Soyarta, Assani, Soidri, Oubeid, Sitti Houdi et de temps à autres Zaou, Marianne et N’tché) mouillaient le maillot.

Mais il faut dire que le gros du travail a été réalisé par Pino épaulé fortement par sa famille de sang et non politique ; que ce soit au niveau financier qu’humain.

Alors que beaucoup d’observateurs ne donnaient pas plus de 10% de suffrages exprimés à ce binôme, ces derniers ont été surpris du score sorti des urnes. Un joli score mais des résultats qui démontrent, cependant, un mal profond au sein du MDM qui perd, au fil des élections, son aura d’antan et qui marque peut-être la fin de son règne. Comment un grand parti comme le MDM peut se retrouver derrière un binôme sans étiquette ?

Avant même le premier tour, des rumeurs laissaient courir le bruit d’une contre-campagne avec un mot d’ordre appelant à voter pour Index. Pour certains, la décision de se rallier avec celui que certains du MDM accusent, à tort ou à raison, d’avoir fait partie de ceux qui ont fait chuter le parti aux dernières municipales de mars 2014, est une preuve de plus que cela n’était pas que rumeur. Et cela ne s’arrête pas là. Dans l’entre-deux-tours, au lendemain de la déclaration du retrait, tout l’état-major du MDM était sur le terrain pour des porte-à-porte.

Des éléments de preuve, corroborés par l’absence du candidat Pino aux meetings du nouveau groupe réunifié, qui ont poussé certains soutiens et membres de famille de Pino à appeler à voter pour le Néma, l’adversaire d’hier. Un soutien de Pino me confiait « œil pour œil, dent pour dent ! Je vais répondre au sale coup qu’ils nous ont fait ! ».

La suite, vous la connaissez sûrement car les urnes ont parlé en faveur du binôme Fatima SOUFFOU / Issa SOULAÏMANA (56,89 % / 43,11 %). Vous me direz, avec la longueur d’avance qu’il avait au premier, il fallait un miracle, une entente parfaite entre les deux autres groupes et un report des voix à 100%) ; chose peu probable. À ce propos, le directeur de campagne de Tanafou za Dzaoudzi-Labattoir me confiait « le combat sera très rude ! Et pour le remporter, il va falloir un miracle. Et vous savez, les miracles ce n’est pas tous les jours que ça se produit ! ». Et Moutouyllah d’ajouter « je suis très content du score qu’on a réalisé et surtout du fait qu’on n’ait pas été battu dès le premier tour ».

Un pari osé, risqué mais gagnant pour le leader du Néma

En 2008, lors des municipales, le Néma avait présenté une liste avec à sa tête Saïndou ASSANI. Malgré les avertissements de la population qui ne voulait pas de ce dernier, Saïd Omar OILI avait défendu et vanté corps et âme les mérites de son candidat mais sans succès ! C’est Mohamadi BACAR MCOLO du MDM qui était alors fait premier magistrat.

Pour ces départementales, S2O récidivait et se lançait dans la défense d’un autre cas qui ne faisait pas l’unanimité : le cas Issa SOULAÏMANA. Alors maire, ce dernier aurait lancé à des aînées, des personnes d’un certain âge « je ne vous ai jamais demandé de me porter à la tête de cette commune ». Depuis, il a fait les frais de ces dernières en perdant les élections municipales de 2008 et la rancœur courrait toujours. S2O l’a défendu allant jusqu’à mettre en jeu son mandat de maire et de menacer de démissionner si la population ne lui donnait pas la possibilité de travailler avec le binôme avec lequel il s’entendrait.

Pari osé parce qu’il fallait le refaire et risqué parce que la population aurait pu ne pas le suivre et voir s’il allait vraiment démissionner. Maintenant que le premier magistrat a vu gagner son binôme, la population l’attend au tournant et fera les comptes dans cinq / six ans.

En occupant les trois hauts sièges politiques de la commune (maire et conseillers départementaux), le Néma devient ainsi le premier parti de la commune, longtemps chaise gardée du MDM. Quel avenir pour ce dernier ? Les dissidences et autres trahisons internes n’ont-elles pas eu raison de ce parti ? Une remise en question en profondeur ne s’impose-t-elle pas ? Et la Cellule locale du MDM pourra-t-elle se relever après ces deux défaites d’affilée ?

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